Ce livre rassemble l'essentiel de mes écrits récents:
* Un récit, sous forme autobiographique s'étalant sur soixante treize ans, suivi d'une annexe, "Le protectorat français au Maroc (1912-1956)".
* Un roman ayant pour cadre la France du 19ème siècle
* Un drame en quatre actes,
* Un autre drame en trois actes (adapté de Plutarque et Shakespeare).
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Nous sommes le vingt juillet 2020. Je viens de mettre le point final à ce livre. Je reste immobile, affalé sur ma chaise, regardant ce gros tas de feuilles noircies. D'où me viennent tous ces mots, alignés comme pour la bataille, comme les centuries romaines recouvrant la terre jusqu'à l'horizon, au garde-à-vous, prêtes à partir à l'assaut ? On me dira, ça vient de ton cerveau. Faudrait-t-il qu'il soit malade, celui-là ! Rien d'étonnant chez quelqu'un qui prétend à devenir octogénaire ! Mais il y a autre chose. Comment se fait-il que j'aie pu formuler tout ça, moi qui ai du mal à aligner trois mots, moi le bègue, l'indécis, le jamais sûr de rien ? C'est fait, il faut passer à autre chose. J'allume la radio. Quelqu'un parle. C'est le ministre de la santé, qui fait le point sur l'épidémie. La voix est hésitante. Il y a de l'angoisse. Beaucoup d'angoisse.
...Nous, je veux dire notre petite famille, n'avons pas échappé à cette terrible situation. Pendant plus de trois mois, nous ne sommes pas sortis de chez nous. En Mai, on décrète la fin très lentement progressive du confinement. Mais pas la fin de la tragédie. Combien de temps faudra-t-il pour revenir à une vie normale, si ce mot a encore un sens ? Y reviendra-t-on jamais de notre vivant ? La peur, la Grand Peur, s'est installée chez tous. Et c'est l'effet le plus terrible de cette catastrophe. Je me dis, prenant un air détaché pour me mystifier moi-même, que je suis devenu ermite, volente o nolente, et que j'appelle ma maison dorénavant l'ermitage .
Et je me suis mis à écrire.
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La guerre n'a rien de beau. C'est une horreur, de tout temps. L'artillerie lourde était utilisée de façon intensive, suivie de corps-à-corps sanglants. La guerre, c'est le feu, les arbres calcinés, la terre labourée par les obus et abreuvée de sang. C'est aussi des corps éclatés, des crânes fracassés, des ventres ouverts, des entrailles répandues, des membres éparpillés, et sur tout ça plane le brouillard chargé d'odeurs de poudre, de sang et d'excréments. Le trio a conduit de nombreuses missions contre l'ennemi, aux résultats prouvés. Que fais-tu, Perdrix ? Tu vois bien, je lui coupe l'oreille. Perdrix était penché sur un soldat allemand qu'il venait de tuer. Petit-Jean lui dit: Fais-pas ça. Comme trophée, prend ses épaulettes et les boutons de sa tunique, ça suffira. Sinon on va passer pour des sauvages. Sauvages, ils l'étaient devenus de toute façon, insensiblement jusqu'à l'outrance. Dans leur tête ne passait plus qu'une seule idée: tuer.