About the Book
Extrait: C'était une admirable fin de septembre, mariant aux ardeurs plus exaspérées de l'été près de son déclin comme un savou-reux avant-goût des plénitudes autom-nales. Les raisins achevaient de mûrir; les derniers gerbiers rentrés, on se préparait pour la vendange. Les pèches de plein vent, quand les gens passaient dans les vignes, semblaient faire exprès d'abaisser à portée des lèvres la caresse de leur chair tentante. L'air sentait une bonne odeur de pampre et de terre échauffée, et partout, sur les coteaux retentissants du coup de fusil des chasseurs, s'enten-dait, endormeur et mélancolique, le: Tu m'as bu mon vin de l'ortolan. Parmi tous les chasseurs sortis ce ma-tin-là de Rochegude, il en était un qui, assurément, pensait à autre chose qu'à chasser. Loin des chaumes et des cultures, l'arme rejetée sur l'épaule et sans prendre garde aux supplications muettes de son chien, il allait droit devant lui à travers la colline, broyant lavandes et cailloux sous les clous de ses forts souliers, presque aussi peu ému du brusque départ d'une compagnie de perdrix rouges que de la chanson des dernières cigales obstinées à s'égosiller, malgré la moisson faite, de chaque côté du sentier, sur l'écorce aride des érables-lièges. Et même les cigales semblaient l'inté-resser davantage. - C'est étrange, se demandait-il: pour-quoi, chez les Grecs, honorait-on de l'épithète d'harmonieux cet insecte dont le vacarme ne me parut jamais aussi insupportable qu'aujourd'hui?... Les Ro-mains, eux, du moins, trouvaient la cigale enrouée: rauca cicada, dit Virgile. Néanmoins, à mieux écouter, ce chas-seur vraiment fantaisiste observa que si, comme exécutant isolé, une seule cigale manque de charme, dix cigales, vingt, cent cigales, tout l'orchestre enfin des cigales "sonnant ensemble, produisaient, en effet, parmi les rocs brûlés du soleil, les champs où le mirage ondoie, une caniculaire et discordante harmonie qui s'ac-cordait à merveille avec les beautés spé-ciales du paysage en cette saison. On le voit: malgré que les bosses de son chapeau mou, sa chaussure lourdement ferrée et son costume en grossière étoffe lui donnassent à distance quelque peu l'aspect d'un braconnier campagnard, M. Médéric Mireur, gros garçon, réjoui, d'allure un tantinet militaire, que les bonnes gens de Rochegude, non sans une nuance de respect, appelaient affectueu-sement M. Médéric, gardait dans l'esprit un certain reste de culture.
About the Author: Paul Arène, né le 26 juin 1843 à Sisteron et mort le 17 décembre 1896 à Antibes, est un poète provençal et écrivain français. Inhumé à Sisteron. Biographie Sa mère Marie Louise Reyne LAGRANGE, née le 7.01.1818 à Sisteron était ouvrière faiseuse de modes. Elle s'est mariée le 12.09.1838 à Sisteron alors qu'elle était encore mineure à Adolphe ARENE, né le 7.11.1810 horloger. Le grand-père maternel de Paul Arène, Dominique LAGRANGE, né le 23.02.1787 à Sisteron était Maître chapellier. Après avoir préparé une licence de philosophie, Paul Arène travaille comme maître d'études aux lycées de Marseille, puis de Vannes. Une petite pièce jouée avec succès à l'Odéon, Pierrot héritier, lui fait quitter, en 1865, l'université pour le journalisme. Il a 23 ans. En 1867, Paul Arène est l'un des auteurs de Le Parnassiculet contemporain, parodie du Parnasse contemporain. Le Parnassiculet lui valut de vives inimitiés. Les auteurs du Parnasse contemporain y étaient appelés des Turcs attardés qui ont oublié, ou qui ne savent peut-être point, que le carnaval romantique est clos depuis trente ans. À Paris, il fréquente les cafés littéraires et devient l'ami de Alphonse Daudet, François Coppée, Catulle Mendès. Comme l'a révélé Octave Mirbeau en 1884, Paul Arène a collaboré activement avec Alphonse Daudet à l'écriture des chroniques provençales publiées par L'Événement et qui furent ensuite rassemblées sous le titre Les Lettres de mon moulin, collaboration si dense que Paul Arène est décrit par quelques spécialistes de l'histoire de la littérature provençale comme le nègre de Daudet. En 1868, Paul Arène écrivit à 25 ans ce qui reste son chef-d'oeuvre, Jean-des-Figues. Il prit part à la guerre de 1870 avec le grade de capitaine et reçut en 1884 la Légion d'Honneur. Après 1870, il publia des pièces de théâtre, des chroniques, des contes, des poèmes, dont notamment Le Tors d'Entrays, Le Clos des âmes, Le Canot des six capitaines, Au Bon Soleil et La Gueuse parfumée, deux recueils de contes. Vinrent ensuite La Chèvre d'or, puis Les Ogresses, Le Midi bouge et Domnine.