About the Book
Extrait: L'alchimiste Sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, dans une plaine qui s'étend jusqu'à une chaîne de montagnes, dont nous ignorons le nom, se trouve une petite chaumière, qui n'a rien de remarquable par elle-même; située au bas d'une colline, sa vue est dérobée aux voyageurs par un bosquet de pins qui la défend contre le vent du nord, si fréquent dans cette partie de la contrée. Autrefois cette misérable cabane était habitée par trois personnes: un homme, son épouse, jeune femme vieillie par le chagrin, et un enfant, fruit de leur union. Cet homme, que nous appellerons Charles Amand, la possédait au temps dont nous parlons, en ayant éloigné ses autres habitants afin de vaquer secrètement à des travaux mystérieux auxquels il avait dévoué sa vie. C'était le quinze août de l'année 182-; Charles Amand était debout au milieu de l'unique pièce que contenait ce petit édifice presqu'en ruine. D'un côté, un méchant lit sans rideau; vis-à-vis, un établi de menuisier, couvert de divers instruments, parmi lesquels on remarquait deux creusets, dont l'un était cassé aussi, différents minéraux que Charles considérait d'un air pensif sur un âtre; au côté droit de l'appartement, brûlaient, épars ça et là, quelques morceaux de charbon de terre. Près de l'âtre, sur une table, un mauvais encrier, quelques morceaux de papier et un livre ouvert absorbaient une partie de l'attention de l'Alchimiste moderne; ce livre était: les ouvrages d'Albert le Petit. L'homme dont nous parlons était d'une taille médiocre; son vêtement, celui des cultivateurs du pays; son teint livide et pâle, ses cheveux noirs et épars qui couvraient un beau front, son oeil brun, presqu'éteint dans son orbite creux, tout son physique annonçait un homme affaibli par la misère et les veilles. Il rassembla les charbons, les souffla et y posa un creuset contenant différents métaux; puis s'étant couvert la bouche d'un mouchoir, il se mit à l'ouvrage. Après un travail opiniâtre, qui dura près de trois heures, il s'assit presqu'épuisé et contemplant la composition nouvelle qui se trouvait devant lui, il se dit à lui-même: Travail ingrat ! Faut-il enfin que je t'abandonne ? Ne me reste-t-il plus d'espoir ? J'ai pourtant suivi à la lettre toutes les directions, ajouta-t-il en prenant le livre, oui: étain, zinc, arsenic, vif-argent, sulfate de potasse. Ah ! s'écria-t-il en regardant de plus près: soufre ! Je l'avais oublié et il se remit à l'ouvrage.
About the Author: Il est le fils de Philippe Aubert de Gaspé, avocat, fonctionnaire et futur seigneur usufruitier de Port-Joly, et de Susanne Allison. De 1827 à 1832, il fait des études au séminaire de Nicolet. Jusqu'en 1836, il vit à Québec, où il est sténographe et journaliste aux journaux The Quebec Mercury et Le Canadien. En 1835, une altercation avec le député Edmund Bailey O'Callaghan lui vaut une condamnation en justice et un mois de prison. En 1836, il doit quitter Québec après avoir causé l'évacuation du parlement en y déposant une bouteille puante. Il réside alors au domaine de sa famille, à Saint-Jean-Port-Joli, où, peut-être avec l'aide de son père2,3, il écrit son roman L'Influence d'un livre, publié en 1837 dans le journal Le Populaire, dirigé par Napoléon Aubin4. Inspiré par le roman gothique, ce premier roman canadien-français mêle les genres et les traditions Le titre fait référence à la trame principale, qui raconte les mésaventures d'un paysan sous l'influence d'un traité d'alchimie. Il s'inspire aussi de l'histoire nationale et intègre des légendes canadiennes et des chansons populaires3. Le roman subit des attaques féroces dans certains journaux.. Il habite ensuite Halifax, où son ami Thomas Pyke lui trouve du travail dans un journal. Il y meurt subitement de maladie le 7 mars 1841, à l'âge de 26 ans, célibataire. Le texte de son roman est réédité en 1864 sous le titre Le chercheur de trésors, par Henri-Raymond Casgrain, dans une version toutefois expurgée de quelques passages. Le fonds d'archives Philippe Aubert de Gaspé est conservé au centre d'archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.