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Extrait: Le malheur d' Henriette Gérard À une demi-lieue de Villevieille, chef-lieu d'arrondissement, se trouve une jolie propriété qu'on appelle les Basses-Tournelles. La maison d'habitation est gaie, le parc assez grand. Les terres qui en dépendent, très fertiles, produisent un revenu d'environ quinze mille francs. Cette maison gaie, entourée de gazons et de jeunes bois, a renfermé une famille dont les troubles intérieurs et les catastrophes ont beaucoup préoccupé le pays, d'autant plus qu'elle avait d'abord paru fort unie, et d'apparences presque patriarcales, sous lesquelles la malignité provinciale eut quelque peine à démêler les plaies et les désordres. Le père, M. Pierre Gérard, s'était placé à la tête de l'agriculture de l'endroit et les gens qui considéraient le propriétaire important, l'éleveur de beaux boeufs, ne s'inquiétaient pas de la largeur de son sens moral, et n'analysaient point sa physionomie rusée, matérielle et un peu basse. La mère, femme de quarante-deux ans à peu près, dure et froide de visage, représentait, pour la société de province, un type de distinction parisienne. On accordait à madame Gérard la réputation de la femme la plus spirituelle du département. Elle avait pris l'initiative de la charité et de la philanthropie dans le pays, où quelques établissements de bienfaisance se fondèrent par ses soins. Un prêtre estimé à Villevieille, M. Euphorbe Doulinet, curé d'une des paroisses de la ville, était son directeur et semblait posséder une grande influence aux Basses-Tournelles. Les personnes qui furent invitées chez madame Gérard, et qui lui rendirent des visites, virent toujours dans son salon M. le curé Doulinet, qui était le commensal assidu et respectable de la maison et M. Moreau de Neuville, président du tribunal de Villevieille, qui passait pour un esprit caustique et un homme de la meilleure compagnie. Ce ne fut que plus tard qu'on fit des réflexions sur la présence continuelle du président aux Basses-Tournelles, où il dînait presque tous les jours, et l'on remarqua aussi que la nomination de M. de Neuville, à Villevieille, suivit de quelques semaines à peine l'arrivée des Gérard. On s'intéressait à une belle jeune fille qui travaillait ordinairement près de la table, dans l'ombre de l'abat-jour, et à un gros garçon de vingt ans, plein de santé, qui ne disait jamais rien quand il y avait des étrangers. On admirait le talent musical de mademoiselle Henriette Gérard, et on louait la modestie de son frère Aristide.
About the Author: Louis Émile Edmond Duranty est un romancier et critique d'art français du XIXe siècle (5 juin 1833 Paris, 2ème ancien - 9 avril 1880 Paris, 10ème). Ses amis intimes pensaient que Duranty était le fils naturel de Prosper Mérimée[2]. Ce n'est qu'en 1947 que la découverte de documents ayant appartenu à Duranty a permis d'établir que son père était Louis-Edmond Anthoine[3], auditeur au Conseil d'État (1833), inspecteur de la compagnie d'assurances La Nationale, puis magistrat[4]. Sa mère, Émilie Hémart (Madame Lacoste 1798-1879, elle se fait appeler Émilie Duranty dans l'acte de naissance de son fils), a eu un fils - Félix-Joseph Lacoste (1825), de Joseph Bonaparte, le frère aîné de Napoléon Ier. Duranty a débuté en 1853 comme employé à l'administration centrale des Domaines et Forêts de la Couronne (grâce à la protection du ministre Achille Fould) et donné sa démission en 1857 pour se consacrer à la littérature. Il est le cofondateur de la revue Le Réalisme, publiée de juillet 1856 à mai 1957[5], un périodique à peu près mensuel, de seize compactes pages in-4°, très combatif, consacré à la seule critique littéraire, avec Champfleury, avec qui il défendra le mouvement réaliste et l'impressionnisme. En 1861, il obtient l'autorisation d'installer au Jardin des Tuileries un théâtre de marionnettes fixe; dont le peintre Courbet créera les décors. Il écrit même un répertoire complet dédié à George Sand, comportant vingt quatre saynètes ayant pour héros Polichinelle, Pierrot et Arlequin.