"Mandalas de Voyages", 50 ans de voyages autour du monde illustrés au moyen de photomontages.

"Françoise Callier voyage comme on voudrait toujours le faire; elle regarde vraiment les lieux qu'elle parcourt sans être prisonnière des loisirs organisés. Elle trouve elle-même ses propres chemins avec sa curiosité et sa générosité pour guides; elle consacre aux gens qu'elle rencontre ses trésors d'attention et d'empathie et en retour cette bienveillance naturelle lui ouvre tous les coeurs. C'est le goût de la découverte plus que l'esprit d'aventure qui l'entraîne bien qu'elle sache parfaitement faire la part du risque et de l'imprévu. Il est peut-être arrivé qu'elle ait eu peur mais elle n'en parlera jamais. C'est la vie des autres qui l'intéresse et dont elle veut rapporter le souvenir quitte à prendre fait et cause pour leur sort en un temps où tant de petits peuples sont menacés de perdre leur moyen d'existence et leur âme même. Françoise est une lectrice inlassable et une organisatrice minutieuse, ses livres d'un côté et son ordinateur de l'autre, elle sait toujours très bien où elle va et ce qu'elle cherche mais elle ne se fait aucune illusion non plus sur la distance qui sépare le rêve du réel et d'ailleurs cette distance l'intéresse autant que la confirmation de ce qu'elle a imaginé ou deviné. Dans ses « Mandalas de Voyages » la symétrie n'est pas toujours la règle: une banquise du Groenland peut bien se refléter dans la mer glacée en faisant percevoir un sentiment saisissant de puissance, de solitude et de lumière polaire, tandis qu'une jeune indienne de Bolivie tenant un petit chat dans ses bras occupe solitairement un miroir d'étranges machines pour nous faire sentir que « Asi es la vida », pour elle et tous les autres enfants de la planète, perdus devant la complexité de ce qui les entoure et de ce qui les attend. En revanche, les indiens Kogis de Colombie semblent se répondre puisque personne ne les entend quand bien même il ne s'agirait que de l'un d'entre eux multiplié par quatre, partie d'un ensemble de déshérités qui appellent d'une même voix, à la fois uniques et exactement semblables face à l'injustice de leur sort. Il n'y a évidemment rien d'automatique dans ces compositions, il s'agit de mises en scènes subtilement détachées du réel et en même temps très exactement réfléchies où l'humour, la poésie et le charme ont la part belle, les ascètes hindous nous contemplent sous des réclames de Coca-Cola et les aigles américains tournent en rond dans l'autarcie d'une toute puissance qui ne sait plus regarder le ciel. Parfois les souvenirs s'entremêlent, lorsque notre intrépide voyageuse se retrouve devant des manchots surgis d'un mirage lybien. Il devait faire décidément soif du côté de Ghadanes pour que des pingouins fussent appelés à la rescousse ! Les cadres, lorsqu'il y en a, complètent le récit, soulignent le contexte, évoquent la précarité de chaque scène en faisant mine de la contenir". - Frédéric Mitterrand